Cour d’appel de Poitiers, chambre civile 4 , 12 novembre 2014, n° 14/00054
Faits et procédure : Par jugement du 30 janvier 2014, assorti de l’exécution provisoire, le juge des tutelles du tribunal d’instance de Niort a placé Mme Clotilde A. sous curatelle aux biens et la personne. Mesure confiée à l’UDAF des Deux-Sèvres. Madame A a régulièrement relevé appel de la décision. A l’audience, madame expose qu’elle refuse la mesure au motif qu’elle se sent apte à gérer ses affaires quand bien même il est avéré qu’elle paie avec retard certaines factures. Ses enfants prétendent que leur mère a toujours eu des problèmes avec l’argent. Qu’en effet, il résulterait de ses dépenses inconsidérées une preuve de l’altération de son jugement. Par ailleurs, ils craignent que sa vulnérabilité en fasse une proie facile. L’expert psychiatre diligenté dans cette affaire a conclu à la nécessité d’une mesure de protection aux motifs que madame présentait « un état intellectuel à la limite inférieure de la normale ». Le juge des tutelles a décidé de suivre les conclusions de l’expert et de placer madame sous mesure de curatelle. En désaccord avec cette décision, madame a interjeté appel.
Décision de la Cour d’appel : « Par état intellectuel il faut, sans doute, comprendre qu'il s'agit de l'intelligence de Mme A. mais il ne suffit pas de constater que cette intelligence se situe à la limite inférieure de la normale, pour caractériser l'altération des facultés mentales exigée par l'article 425 du code civil, il faudrait placer sous régime de protection toutes les personnes dont l'intelligence apparaît légèrement inférieure à la normale. L'expert reste taisant, sans même prononcer le mot, sur l'altération des facultés mentales dont il faut exposer la cause ( maladie , infirmité , affaiblissement dû à l'âge ) et dont il faut dire si elle empêche l'expression de la volonté. Le rapport expertal ne répond pas à ce qui est attendu et exigé du certificat médical circonstancié et ne pouvait en aucune façon conduire à la mise sous protection judiciaire de l'appelante ».
Commentaire : Avant la loi du 5 mars 2007 qui réforme les mesures de protection juridique des majeurs, il aurait été envisageable qu’une telle demande soit recevable. En effet, la curatelle pour oisiveté, prodigalité ou intempérance était envisageable. Cela est définitivement enterré. Aujourd’hui des situations de cette nature peuvent conduire « éventuellement » à une mesure d’accompagnement sociale personnalisé (MASP). La mesure de protection juridique étant réservée aux majeurs dont l’altération des facultés mentales ou corporelles empêchent l’expression de la volonté (article 425 du code civil). En l’espèce, ce qui était en cause concernait davantage le niveau intellectuel mesuré de madame plus qu’une altération découlant d’un handicap physique ou mental. Par conséquent, et de manière totalement logique, la cour d’appel va en déduire qu’il manque une condition essentielle à tout placement. A savoir, une altération médicament constatée empêchant l’expression de la volonté. A titre personnel, je suis rassuré et inquiet. Rassuré car le contrôle de la Cour d’appel s’exerce effectivement et de manière efficace. Inquiet à un triple titre. D’une part, parce qu’un juge des tutelles a pu imaginer qu’un placement sur un tel fondement était envisageable. D’autre part, parce que des enfants, ont pu également imaginer qu’il était possible de porter atteinte à la capacité d’exercice de leur mère avec autant de facilité. Enfin parce qu'un médecin "expert" a conclu à la nécessité d'une mesure de curatelle pour cause de niveau intellectuel trop bas. Mais où va t-on?
Je rappelle, que toute mesure judiciaire est incapacitante. A utiliser avec modération et seulement si les symptômes persistent.
La critique est gratuite mais elle a un coût car écrire c’est s’engager un peu. Je vous attends pour le plaisir de l’échange car je suis sûr que vous avez un point de vu…peut-être.
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