Cour de cassation, chambre sociale, 5 nov. 2014, n° 13-18.427
Faits et procédures : M. X a été engagé à compter du 28 novembre 1995 en qualité de contrôleur par la société Sqybus. Puis, il fut promu, en dernier lieu, chef de contrôle trafic voyageur. Il a été licencié pour faute grave par lettre du 25 janvier 2010. Afin de le confondre, l’employeur a organisé une filature en interne ayant permis d’établir son entrée dans l'immeuble d'une collègue, d'une part, et sa visite d'un magasin Foir'Fouille à des fins personnelles d’autre part pendant son temps de travail. Le salarié licencié reproche alors à l’employeur d’avoir obtenu illicitement des preuves en portant atteinte à sa vie privée. Débouté par les juges du fond, il s’est pourvu en cassation.
Décision de la Cour de cassation : « Mais attendu que le contrôle de l'activité d'un salarié, au temps et au lieu de travail, par un service interne à l'entreprise chargé de cette mission ne constitue pas, en soi, même en l'absence d'information préalable du salarié, un mode de preuve illicite. Et attendu qu'ayant relevé que le contrôle organisé par l'employeur, confié à des cadres, pour observer les équipes de contrôle dans un service public de transport dans leur travail au quotidien sur les amplitudes et horaires de travail, était limité au temps de travail et n'avait impliqué aucune atteinte à la vie privée des salariés observés, la cour d'appel a pu en déduire que les rapports "suivi contrôleurs" produits par l'employeur étaient des moyens de preuve licites ; ».
Commentaire : le salaire constitue la contrepartie versée par l’employeur pour le travail effectif réalisé par le salarié durant le temps où il est employé. Ce temps n’est pas un temps permettant de vaquer librement à ses occupations personnelles. Il convient, par conséquent de le consacrer exclusivement à l’activité pour laquelle on est employé. Par ailleurs, il est dans les attributions normales de l’employeur de vérifier le travail effectué et la bonne utilisation du temps y étant consacré à cette fin. En l’espèce, l’employeur utilisera un moyen « peu courant » : la filature. Sauf que cette dernière, exercée par des personnels internes, s’est exclusivement déroulée durant le temps de travail sans jamais empiéter sur la vie privée du salarié. Son recours fondé sur l’atteinte à la vie privée avait donc peu de chances de prospérer favorablement. Relevons que la Cour de cassation indique que lorsque l’employeur met en place une filature, il n’a pas l’obligation d’information préalable du salarié. Cela paraît évidemment logique. Pour autant, il nous semble que l’information préalable des salariés sur le principe d’un contrôle par filature aurait pu être exigée. En effet, et de façon générale, lorsqu’un employeur met en place un moyen de contrôle (caméra, fouille, installation de commutateurs sur les lignes téléphoniques, internet…) l’obligation d’information préalable des salariés et des représentants du personnel existe. Il doit même justifier ce contrôle eu égard à l’intérêt légitime de l’entreprise. Aussi, peut-on craindre que les employeurs, forts de cette jurisprudence, mettent en place une véritable police interne. Ce qui risque de créer un climat délétère au sein des entreprises. Mais où va le monde ?
Commentaires récents