CA Agen, 1ère chambre, matrimonial, 11 avr. 2013, n° 12/01488 (non publié)
Faits et procédure : De l’union de Bernard H. et de Sylvie V. sont nés deux enfants : Ophélie le 8 août 1995 et Pauline le 20 octobre 1997.
Le divorce des époux a été prononcé le 28 mai 2002 et la résidence des enfants fixée chez la mère.
M. H. est décédé le 1er août 2003.
Par jugement du 17 octobre 2006, le tribunal de grande instance d’Auch a accordé aux époux H. un droit d’accueil de leurs deux petites-filles.
Le 3 mars 2011 M. et Mme H. ont saisi le juge aux affaires familiales d’Auch d’une demande de délégation de l’autorité parentale sur Ophélie. Par jugement du 21 juin 2011, le juge aux affaires familiales les a débouté, il a été interjeté appel de cette décision. Dans le cadre de cet appel le conseiller de la mise en état a auditionné Ophélie.
Parallèlement, par requête du 18 octobre 2011, M. et Mme H. ont saisi le procureur de la République du tribunal de grande instance d’Auch, sur le fondement de l’article 373-2-8 d’une demande visant à obtenir la résidence de leur petite-fille et demandant qu’il soit statué sur les modalités de l’autorité parentale et la pension alimentaire de la mère.
Le procureur de la République d’Auch a ordonné une enquête sociale confiée à L’UDAF 32 puis a saisi le juge aux affaires familiales d’Auch le 28 mars 2012 sur le fondement de l’article 373-2-8 d’une demande afin qu’il soit fait droit à la requête des époux H.
Le 5 octobre les époux H. se sont désistés de l’appel interjeté contre la décision du 21 juin 2011.
Décision de la Cour d’appel :
Sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale : « Dans la mesure où l’enfant vit chez ses grands-parents et qu’elle n’a plus aucun contact avec sa mère il est indispensable de déléguer à M. et M. H. certaines prérogatives afin d’assurer la vie quotidienne d’Ophélie. Il sera donc fait droit à leur demande (…) ».
Commentaire : la délégation d’autorité parentale est régie par les articles 376 et suivants du code civil. Il existe en réalité deux hypothèses. La première concerne la délégation volontaire d’autorité parentale (article 377 alinéa 1) ce qui implique, par voie de conséquence, l’accord du ou des titulaires de cette autorité. La seconde concerne la délégation imposée (article 377 alinéa 2) qui implique la preuve d’un désintérêt manifeste à l’égard de l’enfant ou d’une impossibilité d’exercer cette autorité sur ce dernier. Mais encore faut-il être dans l’une de ces hypothèses. A défaut, le juge aux affaires familiales, seul compétent en matière de délégation, ne pourra que rejeter la requête. Ce qui fût d’ailleurs le cas dans cette affaire (jugement du 21 juin 2011 précité). Mais quand la porte est fermée, ne faut-il pas essayer d’entrer par la fenêtre ? Techniquement (quel vilain mot), l’article 373-2-8 du code civil le permet. En effet, il est possible de passer par le Procureur de la République qui pourra (et non devra) saisir à nouveau le JAF afin qu’il statue sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Mais à la différence de la requête ordinaire de délégation nul n’est besoin d’être dans l’une des hypothèses prévues par l’article 377 précité. Aussi, les grands-parents d’Ophélie, qui dans les faits accueillaient de façon permanente leur petite fille, ont pu faire valoir cette situation de fait et obtenir ainsi gain de cause partiellement. En effet, le JAF leur octroi seulement la qualité de tiers digne de confiance (TDC) ce qui leur permet de ne réaliser que les actes usuels d’autorité parentale. La mère d’Ophélie restant la seule titulaire de l’autorité parentale si la décision à prendre est grave (intervention chirurgicale par exemple) ou engage l’avenir d’Ophélie (orientation scolaire notamment). C’est la raison pour laquelle les grands-parents vont interjeter appel de cette décision que la Cour d’appel va infirmer. Selon cette dernière « dans la mesure où l’enfant vit chez ses grands-parents et qu’elle n’a plus aucun contact avec sa mère, il est indispensable de déléguer à M. et Mme H. certaines prérogatives afin d’assurer la vie quotidienne d’Ophélie ». L’arrêt nous précise que les grands-parents ont « listé » les prérogatives qu’ils souhaitaient se voir déléguer (santé, éducation, scolarité, contrôle de sorties..). En faisant droit à leur demande, la Cour d’appel procède à une véritable délégation partielle de l’autorité parentale. Comme on peut le constater, en l’espèce, cette délégation est précise contrairement à ce qui se fait habituellement (en pratique tout au moins) en matière de délégation ordinaire (article 377). Ce qui donne à la délégation accordée par la Cour un caractère opératoire évident. Par ailleurs, et c’est également là un avantage, l’article 373-2-8 permet de demander une pension alimentaire pour la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Ainsi, les grands-parents ont pu obtenir 130€ mensuel eu égard à la situation financière de la mère.
Finalement l’article 373-2-8 présente un triple avantage comparé à l’article 377. D’une part, il n’est pas nécessaire de prouver que l’on est dans l’une des deux hypothèses prévues par l’article 377. D’autre part, la demande de délégation peut être précisée comme en l’espèce. Enfin, il est possible d’y adjoindre une demande de pension alimentaire. La seule limite (relative) réside dans le fait que la saisine du JAF se fait via le procureur de la République. D’une certaine manière, il joue un rôle de filtre (inconvénient ?) en ne transmettant aux JAF que les demandes qui lui semble bien-fondées ce qui, cette fois-ci, peut s’analyser comme un avantage.
Cette décision me semble donc équilibrée et juste. Et vous, qu’en pensez-vous ?
A vos claviers et à tout de suite j’espère.
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