Jurisprudence: Harcèlement moral ascendant
Chambre criminelle de la Cour de cassation, 6 décembre 2011, pourvoi n° 10-82266
Les faits : Monsieur B, chef du service d'action sociale territoriale de Parthenay met fin à ses jours, M. Y, éducateur au sein de ce service, a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel, sur le fondement de l’article 222-33-2 du Code pénal relatif au harcèlement moral, pour avoir harcelé son chef de service "en dévalorisant de façon réitérée son action, en diffusant à son propos une image d’incompétence dans son milieu professionnel et en adoptant à son égard un comportement irrévérencieux et méprisant".
La procédure: la veuve de Monsieur B gagne son procès pour harcèlement de son mari devant le tribunal correctionnel mais le jugement est infirmé par la Cour d'appel aux motifs que " pour constituer le délit de harcèlement moral, les agissements commis doivent avoir nécessairement porté atteinte aux droits, à la dignité de la victime, ou altéré sa santé physique ou mentale, ou encore compromis son avenir professionnel ; que les juges ajoutent que le prévenu, subordonné de la victime, n’avait ni les qualités ni les moyens de compromettre l’avenir professionnel de celle-ci, et qu’aucun élément de la procédure ne permet d’établir que les faits en cause aient été à l’origine d’une dégradation physique ou mentale du défunt ;". La veuve de monsieur B s'est donc pourvue en cassation contre la décision de la Cour d'appel de Poitiers du 11 mars 2010.
Décision de la Cour de cassation et analyse:
"Mais attendu qu’en l’état de ces motifs pour partie contradictoires, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi des conditions qu’elle ne comporte pas, d’une part, en retenant que les conséquences de la dégradation des conditions de travail devaient être avérées, alors que la simple possibilité de cette dégradation suffit à consommer le délit de harcèlement moral, et, d’autre part, en subordonnant le délit à l’existence d’un pouvoir hiérarchique, alors que le fait que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la caractérisation de l’infraction, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés ; D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;"
Cette jurisprudence vient préciser que l'infraction de harcèlement moral n'implique pas obligatoirement une dégradation effective des conditions de travail du salarié. La simple possibilité d'une telle dégradation suffit pour que le délit soit constitué. Enfin, la Cour de cassation réaffirme que le harcélement peut également être le fait d'un subordonné sur son supérieur hiérarchique.
Au-delà du drame que constitue cette affaire, tout professionnel du champ social et médico-social doit se poser la question des limites de son droit de critriquer et de contester les décisions de sa hiérarchie. On peut bien entendu être en désaccord mais il convient, malgré tout, de faire preuve de discernement même si les causes d'un suicide son souvent multifctorielles.
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